Des vraies conditions de la conception du bâtiment, jusqu’à son achèvement en 1980, on ne saura jamais grand-chose. Tout au plus Niemeyer s’est il exprimé sur les rares contraintes subies (« entrées discrètes et facilement contrôlables » et « l’immeuble voisin dont la présence insolite devait être dissimulée ou cachée »). C’est l’anti Brasilia, l’opposé de la table rase, quasiment pas de dégagement. Partout autour : des murs, de la vie plus ou moins grouillante, des rues sans perspective. Et il faut beaucoup d’imagination pour faire le lien entre la pente timide de la place du Colonel Fabien et les pics sensuels qui hérissent Rio, la muse de l’architecte. Et pourtant… Pourtant, ce bâtiment que Niemeyer a dessiné comme un drapeau flottant au vent porte bien sa signature et rappelle la devise qu’il tenait de Le Corbusier : invention et surprise. L’effet drapeau n’est pas vraiment criant, beaucoup y voient un simple S. Le plus frappant outre l’entrée-tunnel que l’on retrouve souvent chez lui, c’est l’aspect suspendu de l’édifice central qui échappe à l’œil lorsque l’on emprunte le boulevard de la Villette. Cet immeuble de six étages est posé sur de rares et discrets piliers. Entre les sous-sols et les étages circule de l’air, de la lumière, comme si l’édifice était suspendu au-dessus du sol. Et c'est moins un étendard glorieux flottant au vent que l'on perçoit qu'une douce lévitation. Rien de spectaculaire ou de flamboyant. Fallait être obtus comme un journaliste de l’Aurore pour parler de « Bunker de luxe ». D’autant plus que l’intérieur en béton brut de décoffrage et moquette verte n’a rien de luxueux.

Pour la salle du conseil national, Niemeyer a créé, sous la bulle blanche, un volume fœtal aux lumières douces qui évoque à la fois 2001 l’Odyssée de l’espace et ses réussites tropicales. On aurait surtout envie d’y installer des milliers de coussins pour y assister à un concert de Tom Zé ou un festival Harry Partch. Toutes possibilités qui peuvent être proposées au PC qui ne parvient plus à assurer seul l’entretien de l’édifice. C’était le dernier intérêt de cette visite : le décalage entre la jeunesse éternelle de l’architecte brésilien et la décrépitude du parti, la bassine dans le hall qui reçoit les gouttes tombées du plafond, les bénévoles chargées de l’accueil, toutes adorables et intarissables mais déjà là sans doute avant même la signature du programme commun. La rencontre entre Niemeyer et le PCF a eu lieu au meilleur moment. L’architecte a travaillé gratuitement et le parti encore puissant a réussi à financer seul la construction par le biais de souscriptions et de prélèvements sur les salaires des élus. Dès 1981, un an après l’inauguration officielle du siège par George Marchais, ce dernier allait entamer la longue dégringolade électorale du parti.
Et à ceux qui s’étonneraient de ne pas entendre parler de musique ici, je conseillerais de visionner le film ci-dessous et surtout le montage qui commence à 44’30’’, malgré son synchronisme hésitant et sa mauvaise qualité technique. Vous y entendrez un futur ministre de la culture s'entraîner à faire un discours officiel.
Et à ceux qui s’étonneraient de ne pas entendre parler de musique ici, je conseillerais de visionner le film ci-dessous et surtout le montage qui commence à 44’30’’, malgré son synchronisme hésitant et sa mauvaise qualité technique. Vous y entendrez un futur ministre de la culture s'entraîner à faire un discours officiel.