samedi 5 janvier 2013

Le pays sans musique !!!

            S’il est bien un domaine où Internet est indispensable, c’est l’exploration de la musique classique. A moins d’être richissime (et encore, la rareté des enregistrements décourage-t-elle-même les plus persévérants), je ne vois qu’arpenter les médiathèques pour accéder à une telle diversité dans l’offre. Je parle là des œuvres disponibles mais aussi des versions différentes (transcriptions, tempi, taille de l’orchestre, live ou studio…). J’ai tendance comme tous les musiciens à regretter que certains de mes enregistrements ne soient plus accessibles mais il suffit pour se consoler d’observer le sort réservé aux compositeurs de musique savante. Prenez Alan Hovhaness (compositeur américain, 1911-2000) : 67 symphonies, pas loin de 1000 compositions (et encore a-t-il brûlé lui-même la moitié de ses partitions…) et amusez vous à taper son nom sur Amazon pour voir ce qui est disponible…
            Je suis arrivé à ces conclusions passagères en essayant d’écouter les Six Studies in English Folksongs de Ralph Vaughn Williams (1872-1958). Pour situer ce dernier, il vient du pays que les Allemands avaient coutume d’appeler « le pays sans musique » ! Jugement à peu près aussi pertinent et passionnant  qu’une querelle entre fans des Beatles et des Stones. C’est par le folk que je suis arrivé là, pas l’americana chère désormais à des artistes aussi pointus que Rochvoisine mais les musiques traditionnelles relues ou  non de Grande-Bretagne et d’Irlande. Bon, je ne suis pas devenu un fanatique de tout Vaughn Williams. Faut pas déconner, ça n’est pas Dennis Wilson non plus ! Mais je suis curieux du travail de tous ces compositeurs et ethnomusicologues britanniques qui ont permis à une musique populaire transmise oralement depuis des siècles de survivre à l’industrialisation, puis aux mass medias et d’inspirer encore des artistes aussi divers que les Unthanks, Paul Weller ou Current 93… De plus, comme par hasard, c’étaient souvent des gens bien : Vaughn Williams, lui-même, a tenu à s’engager pendant la guerre de 14-18, à quarante ans passés, comme simple soldat alors que son statut de compositeur établi lui permettait aisément de rester civil ou de prétendre à un grade honorifique et protecteur.
            « Etudes » : le terme en dit long sur l’humilité de Vaughn Williams et son absence totale de condescendance pour les musiques populaires. Il a initialement arrangé ces six mélodies pour violoncelle et piano, en précisant que ces compositions devaient être « traitées avec amour ». C’est bien ce dont il s’agit ici. Transcrites ou adaptées pour clarinette, alto, harpe, contrebasse… ces mélodies simples offrent des milliers de lectures possibles. Le piano tel que l’a voulu Vaughn Williams a des couleurs à la Debussy alors qu’il a étudié la composition avec Ravel, lequel disait de lui (de mémoire) : « C’est le seul de mes élèves qui ne fait pas du Ravel ». Le simple fait d’entendre une harpe en lieu et place du clavier fait sauter aux oreilles les différences de résonnance, de piqué, de réverbération et évoque d’autres lumières, d’autres paysages… Et il y a aussi par delà les différences de timbre et de sustain des instruments ce que ces quelques notes disent de chaque individu, de sa connaissance de cette musique et de sa capacité à interpréter. Parce que le génie d’arrangeur de Vaughn Williams et sa maîtrise du silence permettent d’habiter une noire pointée d’un souffle à soi, d’une langueur particulière qui dira les Highlands plutôt qu’un jardin elisabéthain, voire, dans les interprétations les plus mécaniques, une jardinerie du Massachusetts…  


 



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