Donc,
après dix ans de silence, David Bowie fuit son exil à la Garbo et revient au
monde dans un contexte parfaitement géré : présentation du single le
jour de son anniversaire alors que les rumeurs le donnaient quasi-mourant
depuis plusieurs années. Where Are We Now est un retour sans
fanfare, une balade autobiographique vaguement jazzy qui évoque son Berlin
d’hier et ses rares certitudes actuelles entre rétablissement et vieillesse. Il
nous livre en face A une de ces faces B qu’on adore imaginer en face A… Au
mieux du Scott Walker période Richard Branson, au pire du Tony Bennett enroué avec DX7 et une
batterie à la U2 ( !?!) à partir de 2’40’’… et pourtant je l’adore ce
morceau.
Rien
autant aimé de Bowie à sa sortie depuis Ashes To Ashes. Pour des raisons éloignées
et proches : éloignées parce qu’à l’époque il voulait pousser le wagonnet
toujours plus loin (malgré un recentrage commercial post-berlinois) ce qui ne
semble plus être le cas. Proches parce que la sincérité et l’autocitation
étaient déjà là sur Scary Monsters (Major Tom en goguette, Same old thing in brand new drag…). Et finalement les contextes
aussi ont quelque chose de similaire : Bowie avait clairement bousculé le
binaire électrique avec la trilogie berlinoise et il a essayé de donner le la à
ses camarades de promo, ces dix dernières années, en prônant le silence et la
dignité plutôt que l’occupation forcenée des ondes, le broute facebook ou la
sortie de compil avec deux inédits (putain ! deux inédits !
j’hallucine !).
Première
réussite, le film promo. Confier un clip à un artiste vidéo plutôt que de
demander à un pro d’imiter sa façon en y insérant du fastoche, c’est la classe.
Non, je ne citerai personne mais suffisait de regarder M6 dans les années 90, la
récup se pratiquait beaucoup chez nous… Donc chapeau bas à Tony Oursler dont le
travail sur l’intime et le social résonne parfaitement ici.
Et
puis, il y a ces paroles formidables dans leur dépouillement et leur
efficacité. Vraiment malade ou non, Bowie nous livre ce dont l’immense majorité
de ses pairs est incapable – une immersion ordinaire et juste dans le troisième
âge, avec à l’horizon un coin de rue dont on a du mal à évaluer la distance (fingers are crossed just in case) avec
le souci de domestiquer l’ineffable à mots prudents (the moment you know, you know you know : surement le meilleur
texte pop de ce siècle, aussi fort que Gertrude Stein et sa triple rose, plus
fort encore si l’on jette un œil à la fissure qui se dessine au sol entre nos
pieds). Personne parmi ses pairs ne me semble avoir évoqué l’âge et la fin avec
autant de justesse et d’empathie, pas même Dylan, un des rares à aborder le
sujet fatal mais trop habité par l’apocalypse, les images bibliques et tout
plein d’autres paravents.
Voila
pour le single. On attend l’album en mars et là ça se complique. Visconti a
déjà critiqué à mi-mots le choix du single en annonçant un album beaucoup plus
rock et Earl Slick en a rajouté un milliard de couches (« Quand il a
besoin d’un vrai rocker, il m’appelle et je débarque, on est comme ça David et
moi »). Le souvenir effaré de ce triste requin avec les Dolls à la Flèche
d’or, il y a deux ou trois ans, incite à craindre le pire. Pour une fois, je
suis d’accord avec Morrissey : n’est pas Ronson qui veut (ni Fripp d’ailleurs).
L’avenir nous dira assez vite si le pire est possible (du Nine Inch Nails mâtiné de Tin
Machine avec basse fretless…), pour l’instant je m’en fous, j’ai cette
ritournelle froide et douce en tête. Merci, il y a longtemps que je ne m’étais
choisi une chanson pour compagne. Et visiblement je ne suis pas le seul sur la
blogosphère ...
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