dimanche 13 janvier 2013

Parfait, oui, comme Bowie.



                Donc, après dix ans de silence, David Bowie fuit son exil à la Garbo et revient au monde dans un contexte parfaitement géré : présentation du single le jour de son anniversaire alors que les rumeurs le donnaient quasi-mourant depuis plusieurs années. Where Are We Now est un retour sans fanfare, une balade autobiographique vaguement jazzy qui évoque son Berlin d’hier et ses rares certitudes actuelles entre rétablissement et vieillesse. Il nous livre en face A une de ces faces B qu’on adore imaginer en face A… Au mieux du Scott Walker période Richard Branson, au pire du Tony Bennett enroué avec DX7 et une batterie à la U2 ( !?!) à partir de 2’40’’… et pourtant je l’adore ce morceau.
                Rien autant aimé de Bowie à sa sortie depuis Ashes To Ashes. Pour des raisons éloignées et proches : éloignées parce qu’à l’époque il voulait pousser le wagonnet toujours plus loin (malgré un recentrage commercial post-berlinois) ce qui ne semble plus être le cas. Proches parce que la sincérité et l’autocitation étaient déjà là sur Scary Monsters (Major Tom en goguette, Same old thing in brand new drag…). Et finalement les contextes aussi ont quelque chose de similaire : Bowie avait clairement bousculé le binaire électrique avec la trilogie berlinoise et il a essayé de donner le la à ses camarades de promo, ces dix dernières années, en prônant le silence et la dignité plutôt que l’occupation forcenée des ondes, le broute facebook ou la sortie de compil avec deux inédits (putain ! deux inédits ! j’hallucine !).
                Première réussite, le film promo. Confier un clip à un artiste vidéo plutôt que de demander à un pro d’imiter sa façon en y insérant du fastoche, c’est la classe. Non, je ne citerai personne mais suffisait de regarder M6 dans les années 90, la récup se pratiquait beaucoup chez nous… Donc chapeau bas à Tony Oursler dont le travail sur l’intime et le social résonne parfaitement ici.
                Et puis, il y a ces paroles formidables dans leur dépouillement et leur efficacité. Vraiment malade ou non, Bowie nous livre ce dont l’immense majorité de ses pairs est incapable – une immersion ordinaire et juste dans le troisième âge, avec à l’horizon un coin de rue dont on a du mal à évaluer la distance (fingers are crossed just in case) avec le souci de domestiquer l’ineffable à mots prudents (the moment you know, you know you know : surement le meilleur texte pop de ce siècle, aussi fort que Gertrude Stein et sa triple rose, plus fort encore si l’on jette un œil à la fissure qui se dessine au sol entre nos pieds). Personne parmi ses pairs ne me semble avoir évoqué l’âge et la fin avec autant de justesse et d’empathie, pas même Dylan, un des rares à aborder le sujet fatal mais trop habité par l’apocalypse, les images bibliques et tout plein d’autres paravents.
                Voila pour le single. On attend l’album en mars et là ça se complique. Visconti a déjà critiqué à mi-mots le choix du single en annonçant un album beaucoup plus rock et Earl Slick en a rajouté un milliard de couches (« Quand il a besoin d’un vrai rocker, il m’appelle et je débarque, on est comme ça David et moi »). Le souvenir effaré de ce triste requin avec les Dolls à la Flèche d’or, il y a deux ou trois ans, incite à craindre le pire. Pour une fois, je suis d’accord avec Morrissey : n’est pas Ronson qui veut (ni Fripp d’ailleurs). L’avenir nous dira assez vite si le pire  est possible (du Nine Inch Nails mâtiné de Tin Machine avec basse fretless…), pour l’instant je m’en fous, j’ai cette ritournelle froide et douce en tête. Merci, il y a longtemps que je ne m’étais choisi une chanson pour compagne. Et visiblement je ne suis pas le seul sur la blogosphère ...





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