vendredi 8 février 2013

Satan et une de ses victoires les plus discrètes

                Le rock stoner m’emmerde. J’écoute parfois les influences revendiquées : Sabbath, Thin Lizzy, Hawkwind… mais les rejetons Kyuss, QOTSA… c’est au dessus de mes forces.  Quant on me vante le côté aventureux et génial de Josh Homme, je me tais et j’attends que ça passe en pensant au moment où je vais rentrer me coucher. Si je suis d’humeur taquine, je parle du featuring d’Elton John sur son nouvel album. Pour moi, ça veut tout dire.
                En revanche, parmi les précurseurs je suis assez toqué, en ce moment, d’un groupe du Kansas et/ou du Missouri qui a enregistré un album autoproduit en 1969 : The Bulbous Creation (titre exemplaire – You Won’t Remember Dying). Les musiciens ont disparu de la circulation et on ne sait rien d’eux. Rien à part leur obsession pour Satan, la mort, les drogues dures et la guerre du Vietnam. Et une approche assez peu rigoureuse de la musique en groupe : chant bleu, voix blanche, guitares désaccordées, tempi flottants… C’est la fête aux champignons et au marocain. Entre Sabbath pour les rythmiques doriques et le chant qui se voudrait méchant et les groupes de Frisco pour les embardées à la guitare, style Cipollina ou Garcia. Le quatuor compte deux chanteurs, en tout cas on entend deux voix différentes, également approximatives mais concernées. Le disque s’ouvre sur le peu à propos mais très réussi End Of The Page : tempo plombé  et humeur byzantine. Et cette guitare lead psyché jamais saturée qui se perd en volutes. Tout y est délicieusement instable, jusqu’aux voix du pont – des huuuum à deux notes qui réussissent à se perdre en chemin. Plus proche du Stoner, il y a Satan avec son riff d’intro qui semble prêt à se vomir dessus suivi d’un break de batterie qui sème les bpm derrière lui comme un poucet perdu dans la forêt noire. Les paroles sont au taquet : « Satan, tes manières diaboliques, te conduisent au désespoir… ». Parmi les autres perles le disque se clôt sur une garagissime version de Stormy Monday. Genre cinq heures du matin en banlieue de Kansas City, il reste un seul couple sur la piste et le guitariste laisse son âme prendre son  envol – entre pilotage automatique et vraie inspiration – minable et grandiose.
                Comme la mondialisation a des effets imprévisibles, cette merveilleuse série Z est disponible en pressage hongrois limité à 150 exemplaires ou en pressage allemand avec une nouvelle pochette encore plus laide que l’originale. Voila, je vous annonce ça le jour des Victoires de la musique.



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